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https://www.lemoniteur.fr/article/le-premier-permis-de-construire-sans-affectation-est-depose.2182782

Fabien Renou |  le 21/12/2021  |  Permis d’innover,  Réversibilité,  Loi LCAP,  Loi Elan,  Bordeau

Profitant des possibilités offertes par le permis d’innover, l’agence Canal Architecture a conçu pour le compte d’Elithis un bâtiment bordelais de 9 étages, ni bureaux, ni logements.

Demandez le programme, il n’y en a pas ! Pour la première fois, un permis de construire a été déposé, lundi 20 décembre, sans affectation particulière. « C’est une petite mutation qui fera grand bruit, car cela ne servira à plus à rien de détruire », s’enthousiasme Patrick Rubin, fondateur de l’agence Canal Architecture, qui a conçu cet immeuble de neuf étages pour le groupe d’ingénierie et d’immobilier Elithis.

Un tel écart par rapport à la réglementation en vigueur a été rendu possible grâce au « permis d’innover ». Ce dispositif, créé par la loi LCAP en 2016, puis élargi par la loi Elan en 2018, autorise justement les acteurs de l’immobilier à déroger à certaines règles opposables aux autorisations de construire pour les projets situés dans certains périmètres, comme les opérations d’intérêt national (OIN).https://tpc.googlesyndication.com/safeframe/1-0-38/html/container.html

Trois dérogations

Pour mener à bien cette opération située dans la ZAC Saint-Jean Belcier, près de la gare de Bordeaux, trois dérogations ont été demandées. La première concerne justement la possibilité de ne cocher aucune case dans la partie « destinations » du document Cerfa n°13409*06 indispensable aux services instructeurs, en l’occurrence ceux de la préfecture. « Concrètement, une accolade relie les cases « logements » et « bureaux » en leur conférant une superficie globale et indistincte », précise l’architecte.

Extrait du récépissé de dépôt d'une demande de permis de construire de l’immeuble sans affectation.

La deuxième est d’ordre fiscal car, en France, TVA et redevances diffèrent selon l’utilisation du bâtiment. Dans ce cas précis, elles seront calculées de manière rétroactive au bout de quelques années, selon les affectations constatées du bâtiment.

La troisième dérogation, et non des moindres, concerne la réglementation incendie. Les occupants doivent-ils descendre par des issues de secours comme dans un immeuble de bureau ou bien rester sur place, à l’instar de ce qui est demandé aux habitants à leur domicile ? Après discussions avec les sapeurs-pompiers, c’est la première option qui est retenue.

Savoir-faire juridiques et réflexion architecturale

Cette initiative expérimentale est née d’un appel à manifestation d’intérêt lancée en 2017 par trois établissements public d’aménagement : Euratlantique à Bordeaux, Euroméditerranée à Marseille et Grand Paris Aménagement. Déclarée lauréate en septembre 2018, l’agence Canal Architecture a ensuite été associée au maître d’ouvrage Elithis par l’EPA Euratlantique. Ce dernier leur a alors mis à disposition une parcelle pour lancer l’opération.

A côté des indispensables savoir-faire juridiques des avocats du cabinet Latournerie Wolfrom et des notaires de l’étude Cheuvreux, Patrick Rubin a mis ici à profit la réflexion qu’il mène de longue date sur le bâtiment réversible : des étages hauts de 2,70 m, une épaisseur de 13 mètres pour un bâtiment traversant, une structure poteaux-dalles… « Il pourra accueillir des bureaux et des logements, puis, dans quelques années, se transformer en un hôtel ou une plateforme logistique, sans qu’aucune façade ni aucun escalier ne doivent être modifié », précise Patrick Rubin.

Pas de permis de construire modificatif

Mais ici, contrairement aux opérations de réversibilité habituelles, les changements de bureaux en logements et vice-versa ne nécessiteront aucun permis de construire modificatif. Seule contrainte : conserver un gestionnaire unique des lieux et ne pas se transformer en une copropriété qui rendrait ces mutations trop complexes.

La première vie du bâtiment commencera à sa livraison, en 2024, avec une répartition initiale des 4 492 m2 prévue ainsi : près de 3 000 m2 de logement, environ 1 000 m2 de bureaux, une crèche, des terrasses et des « fabriques » espaces mutables sans affectation précise. Mais la suite, elle, n’est pas dans le programme.